A l’invitation de Kanal-Centre Pompidou, l’équipe installera un programme de performances contextuelles, de concerts, de films, de vidéos et de discussions culturelles et politiques, dans différents lieux de la ville.
«Comment faire et être un festival autrement, comment mettre les artistes au cœur d’une ville, de ses tensions et de ses populations, comment prendre des risques et oser être vulnérable dans un monde culturel toujours plus prudent et silencieux : après plus de dix éditions de Dream City à Tunis, Marseille et Londres, c’est ce que nous allons maintenant apporter à Bruxelles et au cœur de l’Europe», annoncent les organisateurs de ce festival pluridisciplinaire d’art dans la cité.
Après une belle 9e édition tenue, du 22 septembre au 8 octobre 2023, entre la Médina et le centre-ville de Tunis, avec une programmation construite autour d’œuvres de création en dialogue avec la ville et ses habitants, élaborées lors de longs temps de résidence, d’œuvres en diffusion qui résonnent et font écho aux créations et comme toujours des temps de débat, d’échanges et de réflexion.
Pour 2024, l’association porteuse de ce projet, «L’Art Rue», a décidé de pérégriner avec le festival avec une première escale à Bruxelles annoncée du 4 au 13 avril prochain.
Ainsi et à l’invitation de Kanal-Centre Pompidou, l’équipe Dream City installera un programme de performances contextuelles, de concerts, de films, de vidéos et de discussions culturelles et politiques, dans différents lieux de la ville.
Entre autres artistes, Heba Y. Amin, Jalila Baccar, Lawrence Abu Hamdan, Ismaïl Bahri et Youssef Chebbi, Fakhri El Ghezal, Malek Gnaoui, Bouchra Khalili, Filipe Lourenço, Radouan Mriziga et Sondos Belhassen, Rabih Mroué, Selma et Sofiane Ouissi, Samaa Wakim et Samar Haddad King, Winter Family, Jozef Wouters créeront, à cette occasion, encore une fois, un espace ouvert et partagé pour les artistes, les penseur·ses et les activistes, «dans lequel les questions brûlantes et les sujets turbulents, qui relient et divisent la Tunisie, les pays du Sud et l’Europe, ne seront pas évités», précisent les organisateurs.
Dans ce sens, et dans un contexte de mutisme international complice face au génocide perpétré à Gaza par l’entité sioniste, Jalila Baccar proposera, le 4 avril, sa lecture théâtrale de «A la recherche de Aïda», un texte qu’elle a écrit en 1998 et qui est on ne peut plus d’actualité.
Il y est question de deux femmes, l’une tunisienne et l’autre palestinienne qui partagent leurs histoires personnelles. Leur conversation prend forme autour d’une série de dates clé de l’histoire de la Palestine et du monde arabe, du déplacement des Palestiniens lors de la Nakba en avril 1948 à la signature des accords d’Oslo, une série d’accords intérimaires conclus entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine en 1993. Alors qu’elles partagent leurs expériences et leurs chagrins, les voix des femmes se confondent pour raconter une histoire, celle du refus persistant de la souffrance, des humiliations et de l’injustice.
Les Palestiniennes Samaa Wakim et Samar Haddad King présenteront, les 4 et 5 avril, la performance «Losing it», qui explore la manière dont le traumatisme des générations précédentes se manifeste dans le corps à travers le mouvement et le son. Les deux artistes témoignent de l’enfermement et de la recherche d’équilibre permanente des Palestiniens vivant dans les territoires occupés.
«Grandir en zone de guerre, c’est vivre avec un corps qui a intégré la peur et le traumatisme, c’est aussi éprouver la limitation de nos mouvements», raconte la chorégraphe et performeuse palestinienne Samaa Wakim qui a vécu à Mhalia, une petite municipalité arabe chrétienne située au nord des territoires occupés, près de la frontière libanaise, dans une famille de militants des droits humains. Dans sa pièce chorégraphiée elle plonge dans ses souvenirs d’enfance sous l’occupation, explorant les différentes réalités dans lesquelles elle vit, et les fantasmes qu’elle a créés à partir de la peur et de l’espoir afin de survivre. Au fur et à mesure que la peur l’envahit, son monde commence à se désintégrer : le sol devient instable et les sons commencent à se déformer, créant un monde où la réalité et l’imaginaire se confondent.
Créé en conversation avec une partition en direct de sa compatriote Samar Haddad King, le paysage sonore est constitué d’enregistrements de terrain réalisés en Palestine depuis 2010. Accompagnés par la voix de Wakim, les sons qui ont suscité la peur et ceux qui ont apporté le réconfort sont tissés ensemble, au point que le passé et le présent obscurcissent l’avenir.
Programmée pour le 6 avril, la performance-lecture «Daght Jawi» du Jordanien basé à Beyrouth, Lawrence Abu Hamdan, est le fruit d’un journal sonore de l’espace aérien du Liban qu’il a tenu pendant toute une année. Au cours de la même période, il a également réalisé plus de 400 vidéos d’avions de chasse de l’entité sioniste qui occupe la Palestine et d’autres véhicules aériens sans pilote. A l’aide de ce matériel et de sons live, il recrée l’atmosphère de ce ciel oppressant dans le planétarium de Bruxelles.